Les Idées de Nietzsche sur la musique (2021)
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- Auteur: Pierre Lasserre
- Pages:154 pages
- Editeur:
- Langue:Français
- Genre:Art, Musique et Cinéma
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La musique a toujours tenu une grande place dans la pensée de Nietzsche. Au début de sa carrière d’écrivain, il considérait l’inspiration et l’émotion musicales comme une communication de la réalité métaphysique. Il attribuait à la musique un rôle capital, le premier rôle, dans la culture de l’esprit humain et de l’âme humaine. Et il attendait de son influence une régénération de la civilisation moderne, matériellement si riche, mais si dégénérée, pensait-il, dans ses éléments intellectuels et moraux. On peut dire qu’à ce moment la musique formait le tout de sa pensée. Il n’écrivait que « pour ceux qui sont nés, pour ainsi dire, des entrailles de la musique et dont le commerce avec les choses est presque uniquement constitué d’inconscients rapports musicaux [1]. »
La ferveur de ses jeunes années pour Wagner est connue. Le présent travail fera voir que, même au moment où cette ferveur se montrait le plus ardente, les impressions directes que Nietzsche ressentait de la musique wagnérienne n’étaient pas, tant s’en faut, en parfaite concordance avec la haute signification historique et philosophique que ses théories et son imagination lui composaient.
Par là se trouvera élucidé, c’est-à-dire atténué, l’espèce de scandale que donna Nietzsche en accablant de ses sarcasmes les plus virulents et les mieux dirigés un art qu’il avait peu d’années auparavant pieusement célébré.
La véritable haine que Nietzsche en vint à concevoir pour l’art wagnérien se rattache d’ailleurs à une désillusion générale à l’égard de la musique. Après l’avoir placée dans une sphère supérieure à celle de tous les autres arts et proprement divinisée, il la définit un art de décadence. Cette régénératrice de la civilisation devint comme un déchet voluptueux des civilisations moribondes. Il avait commencé par en rapporter l’inspiration au sentiment métaphysique de la Vie universelle ou plutôt de son infini Principe immanent. Il enseigna qu’elle s’alimente dans une rêverie nostalgique languissamment adressée à ce qui n’est plus et ne peut plus être. Sous cette perspective nouvelle, l’œuvre de Beethoven elle-même revêtit à ses yeux une couleur défaillante, presque morbide ; il fit de lui le pleureur des funérailles de la vieille Europe. Reprenant à son compte la prétention traditionnelle des Allemands à former une race primitive, un peuple « originaire », il avait au début expliqué par ce caractère, non plus précisément, comme Fichte, leur aptitude à la métaphysique, science du Commencement absolu, mais leur faculté de création musicale. Voici que cette supériorité s’expliquait par les impuissances de l’âme germanique, par le fait que les Allemands n’avaient jamais été dans l’ordre de la civilisation des initiateurs, des créateurs, mais toujours de paresseux épigones ; que les rayons des civilisations brillantes et fortes créées sous d’autres cieux ne leur étaient arrivés que tardifs et pâlis ; dans cette condition historique, leur disposition psychologique dorainante devait être le regret, la vaine aspiration, le rêve ; et l’expression de cette disposition, la musique....................
La ferveur de ses jeunes années pour Wagner est connue. Le présent travail fera voir que, même au moment où cette ferveur se montrait le plus ardente, les impressions directes que Nietzsche ressentait de la musique wagnérienne n’étaient pas, tant s’en faut, en parfaite concordance avec la haute signification historique et philosophique que ses théories et son imagination lui composaient.
Par là se trouvera élucidé, c’est-à-dire atténué, l’espèce de scandale que donna Nietzsche en accablant de ses sarcasmes les plus virulents et les mieux dirigés un art qu’il avait peu d’années auparavant pieusement célébré.
La véritable haine que Nietzsche en vint à concevoir pour l’art wagnérien se rattache d’ailleurs à une désillusion générale à l’égard de la musique. Après l’avoir placée dans une sphère supérieure à celle de tous les autres arts et proprement divinisée, il la définit un art de décadence. Cette régénératrice de la civilisation devint comme un déchet voluptueux des civilisations moribondes. Il avait commencé par en rapporter l’inspiration au sentiment métaphysique de la Vie universelle ou plutôt de son infini Principe immanent. Il enseigna qu’elle s’alimente dans une rêverie nostalgique languissamment adressée à ce qui n’est plus et ne peut plus être. Sous cette perspective nouvelle, l’œuvre de Beethoven elle-même revêtit à ses yeux une couleur défaillante, presque morbide ; il fit de lui le pleureur des funérailles de la vieille Europe. Reprenant à son compte la prétention traditionnelle des Allemands à former une race primitive, un peuple « originaire », il avait au début expliqué par ce caractère, non plus précisément, comme Fichte, leur aptitude à la métaphysique, science du Commencement absolu, mais leur faculté de création musicale. Voici que cette supériorité s’expliquait par les impuissances de l’âme germanique, par le fait que les Allemands n’avaient jamais été dans l’ordre de la civilisation des initiateurs, des créateurs, mais toujours de paresseux épigones ; que les rayons des civilisations brillantes et fortes créées sous d’autres cieux ne leur étaient arrivés que tardifs et pâlis ; dans cette condition historique, leur disposition psychologique dorainante devait être le regret, la vaine aspiration, le rêve ; et l’expression de cette disposition, la musique....................